ISTENQS
Ici se termine enfin
Notre quête Spirituelle

 

  Définir l'enseignement spirituel et son rôle dans une vie

 

Thierry Vissac

 

 

La notion d’enseignement spirituel couvre à la fois un phénomène qui se produit naturellement, à tout instant, ainsi qu’une démarche consciente et volontaire.

 

Le phénomène naturel : Les situations de notre vie quotidienne nous enseignent spontanément. Ces événements apparemment anodins ou plus spectaculaires sont nos premiers enseignants. Nous apprenons et nous « grandissons » de notre interaction avec des situations vivantes, souvent à notre insu. Cet apprentissage constitue la trame de ce que nous pouvons appeler notre « chemin de vie ».

 

La démarche volontaire : Elle vient souvent du désir d’apprendre/grandir plus consciemment et peut-être plus vite dans la mesure du possible. Nous recherchons alors l’accompagnement de personnes avisées qui proposent un soutien dans ce sens. Il est dit que nous appelons secrètement l’enseignant.

 

Cette démarche volontaire se distingue en grande partie d’une psychothérapie (une autre démarche d’apprentissage) par le fait qu’en spiritualité, nous abordons la « nature profonde » (ou âme) ainsi que le grand réseau, invisible à l’œil nu, des interactions constantes avec toute chose. Il y a une notion d’unité du vivant dans laquelle s’insère notre apprentissage et les « solutions » offertes par la vision spirituelle sont moins psychologiques, horizontales et pragmatiques que dans une psychothérapie.

 

La démarche spirituelle consiste à aborder notre chemin de vie avec une conscience d’être enseigné dans un dessein particulier. La vie a un sens pour chacun de nous, il existe une « intelligence du vivant » et les situations de notre vie ne sont pas des éléments isolés les uns des autres, mais les pièces d’un puzzle dont nous nous préparons à découvrir le motif de plus en plus clairement. On trouve dans la démarche spirituelle ce qu’on appelle une « inspiration », un souffle intérieur qui donne de la saveur ou de la présence à la vie, plutôt qu’une réponse « clé en main » à un problème localisé.

 

A quoi sommes-nous préparés et pourquoi ? La démarche tend à répondre à cette interrogation existentielle. Il ne s’agit plus de seulement réparer des éléments problématiques isolés de notre vie (changer de profession, former un nouveau couple, se débarrasser d’un TOC) mais de les faire exister en accord avec l’intelligence de la vie (trouver sa vocation, faire de la relation un partenariat spirituel, éclairer le sens profond de nos mécanismes irrépressibles) dans une perspective qui dépasse même les limites de la vie terrestre.

 

L’enseignant spirituel, une fois en présence de son élève, porte son attention sur les questions de fond, comme le rappel de l’existence de sa nature profonde négligée dans sa vie et son éducation mais aussi sur la façon d’y accéder, ou comment permettre à cette nature essentielle d’irriguer son chemin de vie et de redonner son sens/souffle au parcours terrestre.

 

L’enseignant offre des conseils sur la base de son expérience intérieure éprouvée plutôt que sur des bases théoriques. C’est la pertinence et les fruits de ses conseils qui font de lui/elle un enseignant de ce type. Il/elle n’a pas nécessairement de diplôme, mais son parcours initiatique est préalablement connu de ceux qui viennent à lui, par le bouche-à-oreille, et sa présence est autant recherchée que ses paroles, parce qu’il est le relai de connaissances oubliées dans notre société laïque, alors que lui vit à travers elles dans sa vie quotidienne. Sans être « parfait », il est généralement consacré à la spiritualité et cet engagement représente une garantie qu’il n’a pas juste ouvert boutique aux heures de travail.

 

L’enseignant spirituel est porteur d’une autorité sans laquelle il n’y aurait pas de transmission. Pour accueillir cette autorité, une forme de confiance minimum doit s’installer. L’enseignant peut être testé par l’élève mais la confiance provient surtout d’un ressenti intuitif (à distinguer de l’engouement émotionnel) que cet être « a quelque chose pour moi ». Selon le principe que tout est interconnecté, l’enseignant et son enseignement font un écho indubitable au cœur de celui qui vient en sa présence. Si ce n’est pas le cas, c’est que nous ne sommes pas en présence de l’enseignant approprié.

 

Ce ressenti intuitif n’est pas figé, il peut être bousculé par les doutes, parce que le parcours spirituel est souvent surprenant, il ne suit pas toujours les lignes balisées les plus logiques et attendues, à l’image de la vie. Dans l’enseignement spirituel, une surprise est souvent plus porteuse qu’un précepte attendu et convenu. De ce fait, les explications ne sont pas toujours les outils favoris de l’enseignant, car elles diluent la portée d’une prise de conscience, non mentale. L’effet d’une révélation directe est plus guérisseur que l’explication détaillée d’un mécanisme.

 

Mais c’est bien l’enseignant qui est le vecteur de la surprise initiatique. Il voit généralement des choses que l’élève ne voit pas ou plus. Il faut donc être prêt à vivre des moments surprenants avec lui/elle pour suivre sa démarche. Cet accueil de la part de l’élève n’est pas une soumission, car l’enseignant cherche à révéler l’autonomie naturelle de la nature profonde (différente de l’indépendance farouche du personnage social, une distinction à éclairer rapidement en soi). L’élève ressent qu’il n’est pas bousculé sans raison, mais parce que des blocs figés en lui le demandent. On ne peut pas les bouger et les effriter par la seule parole ou par un simple dialogue thérapeutique, des mises en situation sont souvent nécessaires, des « moments initiatiques » sont mis en œuvre.

 

L’enseignant n’est pas au-dessus de ses élèves, la transmission d’une connaissance le distingue, mais il reste un être humain qui a l’humilité de ne pas se prendre pour un dieu incarné. Cependant, le principe de l’écoute de l’élève est crucial. L’enseignant n’est pas un « copain » dont on voudrait se sentir plus proche ou un statut dont on voudrait rapidement être l’égal. Il est le support de l’enseignement et, de ce fait, une forme de respect (détendu) est adaptée dans cette relation.

 

Il s’agit d’être en position de recevoir avec le moins de parasitage personnel possible (les réflexes habituels du personnage social en conversation, par exemple). Ce que nous prenons pour des protections nécessaires, des garde-fous dans la relation avec les autres, sont souvent des barrages à une vraie communication. L’enseignant spirituel a quelque chose à transmettre de neuf, qui sort des codes sociaux convenus. La transmission ne peut se faire que dans une certaine disponibilité et attention de l’élève. Bien sûr, ces dispositions ne sont pas forcément innées, nous avons peur d’être abusés et nos protections sont instinctives. Mais l’aventure spirituelle sait prendre des risques (qui n’en sont généralement pas). L’idée est par exemple de d’abord laisser « descendre » en soi une proposition et de l’étudier intérieurement avant de la discuter, de lui donner sa chance au lieu de réagir automatiquement. Parce que ce qui est dit peut parfois nous prendre à rebrousse-poil ou nous bousculer. Or nous évitons toujours ces zones sensibles dans notre vie sociale. Une nouvelle attitude est donc nécessaire à l’endroit de l’enseignement spirituel.

 

Il faut souligner que ces principes ne sont évidemment valides que lorsque nous avons pu éprouver l’amour et la bienveillance de l’enseignant. Il ne s’agit pas de respecter ces principes si le sentiment à l’égard de l’enseignant n’est pas évident. Nous parlons d’une relation d’aide saine où l’engagement dans la démarche, qui suppose une écoute ouverte et un relâchement des systèmes de défense, est justifié par la confiance (ressentir qu’il est au service des personnes qu’il rencontre et que sa parole est authentique).

 

Ces dispositions sont mieux fondées en l’élève lorsqu’il existe en lui/elle un élan puissant vers la spiritualité, comme la recherche du souffle par quelqu’un qui se noie. La saturation du modèle matérialiste, des errances relationnelles du personnage social, de l’enfermement dans des carcans de défense, tout cela prédispose à une ouverture.

 

Il faut s’être demandé au préalable : « Qu’est-ce que je veux ? Qu’est-ce qui m’anime ? » Une simple curiosité ne suffira pas. L’enseignement finit par devenir une trame du quotidien. Ce qui ne signifie pas qu’on se coupe de quoi que ce soit mais que les fondations sont différentes.

 

L’enseignement spirituel n’a pas de fin, il est la vie même, mais il n’est pas rare que l’élève se sépare de l’enseignant à un moment donné et devienne lui-même le relai de l’enseignement, avec ou sans la bénédiction de celui qui l’a guidé.

 

 

 

 

 

 

© Thierry Vissac, Textes, photos et dessins sur toutes les pages du site .