ISTENQS
Ici se termine enfin notre quête Spirituelle

Pétris !

Thierry Vissac

 

 

J’utilise l’expression « être pétri » pour indiquer que nous sommes profondément brassés par certaines situations de la vie. Je souligne aussi que nous sommes plus souvent pétris que caressés. Le pétrissage est un élément majeur de l’expérience de l’âme incarnée auquel nous résistons.

Notre vie dans le monde n’a pas pour objectif premier de créer du confort et du plaisir.

Si nous devions être pétris ? Quelle intelligence est à l’œuvre dans ce processus étrange et contraire à nos instincts ?

La spiritualité, c’est aussi accueillir et percevoir l’intelligence du vivant dans cet incroyable processus. Nous préférons naturellement progresser en douceur et nous faisons tout pour favoriser des processus agréables. Pourtant, notre chemin de vie reste ponctué de moments souvent plus difficiles, très intimes et solitaires. Nous traversons des périodes où nos repères sont fortement bousculés et où ce besoin de se sécuriser par le contrôle est rendu impossible. La vie « prend la main », nous sommes démunis et notre premier réflexe est de retrouver ce pouvoir de « gérer » et de limiter tout écart au-delà du connu et du gérable. Puis nous sommes finalement contraints de lâcher prise, contre notre gré, et souvent en révolte intérieure.

Quelque chose se produit à ce moment-là dont la valeur ne nous apparaît pas tout de suite. Le personnage social qui balise tout est submergé, il panique, il « n’en peut plus ». C’est douloureux et la saturation est parfois violente. Le point de rupture auquel nous amène ce pétrissage n’est pas celui de notre vie. Nous n’allons pas mourir d’être pétri même si l’impression est parfois celle d’une agonie (« la petite mort » évoquée par les mystiques de toutes traditions). Quel sens peut alors avoir cette confrontation à ce mal-être ?

La vie nous modèle plus que nous la modelons. Il existe un fossé entre les attentes du personnage social et le chemin de l’âme. Nous croyons que nos projets matériels et familiaux sont tout, mais nous sommes en fait dans ce monde pour progresser spirituellement, afin d’incarner de hautes valeurs (dont l’Amour) qui sont limitées par le poids de l’incarnation. Il y a là un défi et des tiraillements, pas étonnant que « ça craque de partout » par moments.

Bien sûr, nous avons aussi des explications plus psychologiques sur ce pétrissage : nous subissons des traumatismes qui perturbent notre équilibre et nous tentons évidemment de les soigner. Mais quelle que soit l’origine du pétrissage, qu’elle soit localisable dans notre histoire personnelle ou qu’elle semble « tomber du ciel », le résultat est le même. Notre équilibre personnel est compromis et nous essayons de comprendre, de ne pas perdre pied et de revenir au connu.

Nous ne pouvons cependant émerger de ce processus « par le haut » qu’avec humilité et sagesse. Je ne dis pas que nous allons jouir de la souffrance mais que nous pouvons ressentir que nous sommes « creusés » par l’intelligence du vivant et que cela porte des fruits spirituels. Notre profondeur naît de ces traversées, bien plus encore que des temps de satisfaction.

Nous pouvons prendre soin de nous, nous reposer, soutenir au mieux les passages les plus turbulents de notre vie mais nous gagnons beaucoup à inclure le pétrissage parmi les « outils » de notre évolution. Je ne parle pas de le provoquer mais de l’accueillir avec un regard différent quand il se présente.

Nous n’avons pas le choix. Ça va continuer à grincer et à craquer ici et là, et je suggère même d’accepter de râler un peu mais, au fond de nous, nous aurons intégré le fait que nous sommes dans un processus divin qui, en profondeur, au-delà des réalités de surface de notre vie, ne nous veut que du bien.

Il y a de l’amour dans le pétrissage, même s’il semble souvent bien caché à nos yeux profanes.  

 

 

 

© Thierry Vissac, Textes, photos et dessins sur toutes les pages du site .