ISTENQS- Ici se termine enfin notre quête spirituelle

 

Eaux troubles...

 

Thierry Vissac (2019)

 

 

 

Notre vie intérieure peut être parfois claire comme l’eau d’une source et d’autres fois trouble, comme si les boues profondes avaient été remuées.

Nous devons nous rappeler que l’eau n’est pas affectée par les boues. Lorsque ces dernières sont dissipées, l’eau retrouve sa clarté. Notre nature profonde n’est pas affectée par le temps des eaux troubles, par les mouvements émotionnels. Mais nous risquons souvent de nous identifier au trouble plus qu’à la clarté.

Que faire en eaux troubles ? Avons-nous droit à l’effort dans cette situation ? Est-il utile de faire cet effort ? La force d’inertie qui nous maintient dans la contemplation/lamentation de la boue peut-elle être traversée ?

Parfois, il faut reconnaître qu’il n’y a RIEN à faire. Il faut juste laisser passer, les boues devaient bouger pour ne pas se solidifier, les choses auront évolué d’elles-mêmes après ce passage. D’autres fois, si la règle du « laisser passer » reste toujours valide, nous réalisons l’intérêt de ne pas nous couper tout à fait de notre âme, malgré tout, et nous découvrons là une marge d’action créatrice à ne pas négliger.

La formulation de la faille se termine pour tout le monde par une expression salutaire « c’est juste ça qui se passe… ». Elle est très pratique pour les eaux troubles, que nous soyons capables d’un effort ou non. Mais pour amener un peu de lumière dans l’obscurité, il faut un peu plus que ça.

Les événements de la vie sont surprenants, vifs, et ils ont la capacité de nous submerger rapidement. La vision du puzzle disparaît, l’appel spirituel est remplacé par l’instinct de survie, on peut même ressentir par instants que l’on a oublié pourquoi tout nous semblait si clair et harmonieux auparavant. C’est le signal des eaux troubles.

Malgré toute la bienveillance que nous pouvons nous accorder lorsque les temps sont plus durs, nous devons cependant prendre en compte une forme de complaisance qui correspond à la marge d’action créatrice. Les urgences nous ont déjà démontré que nous pouvions puiser profondément en soi des énergies nouvelles, si la situation le demandait. Le glissement spirituel nous invite à retrouver cette même ressource, parce que l’émergence de l’âme en eaux troubles est au moins aussi vitale qu’une urgence plus superficielle.

« Je suis une âme » vient juste après « c’est juste ça qui se passe ». Je me rappelle à moi-même que, quel que soit le processus dans lequel je suis engagé (à ce moment-là on se dit « …que  je subis »), c’est toujours une histoire de mon âme émergente dans son chemin de vie incarnée. Puis viennent les rappels plus spécifiques, plus personnels, plus intuitifs en rapport avec la nature de la boue qui est activée. « Que puis-je faire ? ». C’est cette question qui va nous confirmer que nous sommes face à un lâcher prise total, sans marge de manœuvre ou si nous avons une possibilité d’action créatrice. Si la réponse est « RIEN », nous laissons passer avec courage et respect pour le processus déroutant que l’on vit. Si la réponse est « Je peux intervenir à cet endroit », alors nous le faisons malgré tout ce qui s’y oppose. Il suffit parfois de s’asseoir pour pratiquer les « strates de l’être » mais la réponse peut parfois être plus créative.

Ne pas intervenir dans un tel moment de lucidité conduit à une forme de « décrochage spirituel », qui n’est pas dramatique mais qui maintient la conscience dans la seule souffrance et l’isolement. Le paysage intérieur devient plus terne. On perd le goût de la vie intérieure et on finit même progressivement par y résister.

Parmi les interventions salutaires, il en est une qui est fondamentale : s’avoir s’arrêter. Se poser un moment quelque part et revenir à soi, même les yeux grands ouverts. Descendre en soi pour retrouver un minimum de recul. Les variations autour de cet arrêt salutaire sont nombreuses et doivent être découvertes au cas par cas.

Quoi qu’il en soit, c’est le respect des eaux troubles comme un processus faisant partie de l’histoire de la rivière qui est en question. Un respect profond pour l’intelligence de la vie…

 

  

 

© Thierry Vissac, Textes, photos et dessins sur toutes les pages du site .